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Ahlem Hannachi - Docteur en droit
15 juin 2015

Pour votre sécurité, vous n'aurez plus de liberté.

 

 

 

"Pour votre sécurité, vous n'aurez plus de liberté"

Ahlem Hannachi

Docteur en droit

 

hhhhhhhh

 

 

 

En septembre 2012, et à l’occasion de la mémoire de l’attentat contre les tours jumelles à New York en 2001, des faits assez troublants ont marqués les médias français. En effet, il s’agit d’un individu qui offre à son neveu avec sa mère un t-shirt sur lequel est inscrit « né le 11 septembre 2009… je suis une bombe ». Les deux personnes sont poursuivies pour apologie d’actes de terrorisme sur le fondement de la loi du 29/07/1881. Condamnés en appel, la cour de cassation rejette la  prétendue plaisanterie évoquée par les prévenus et réaffirme la condamnation, dans un arrêt du 17 mars 2015, de la chambre criminelle : « qu’un individu qui fait porter par un enfant à l’école un vêtement faisant l’éloge du terrorisme peut être qualifié d’auteur direct de l’infraction ».

 

De facto, nous assistons depuis la chute des deux tours jumelles à New York Twin Towers du World Trade Center en 2001, les attentats des stations de métro de Madrid Atocha, en 2004, et de Londres London Underground, en 2005, et aujourd’hui le magazine satirique de Charlie Hebdo à Paris à un terrorisme de plus en plus pervers et dangereux. Au delà de la brutalité que ces actes ont de commun, les épisodes ont été soulevés souvent dans la puissance maximale de la tension qui existe entre sécurité et liberté. C’est dans ce phénomène qu’est inséré le terrorisme comme une forme de crime politique ou religieux qui exige des réponses rapides et efficientes de la part des Etats.

 

De plus, depuis les attentas du 11 septembre aux Etats-Unis, ont surgit des réactions politico-criminelles punitivistes qui ont rompus avec les limites locales des Etats pour défendre des postures internationales. Devant ce basculement entre sécurité et liberté et, surtout face au risque terroriste global, plusieurs mesures anti-terroristes ont apparus, le tout avec un dénominateur commun dans leur nature limitative des droits fondamentaux, dont les plus évidents sont relatifs à la liberté individuelle. L’USA Patriot Act est le meilleur exemple de cette réaction étatique, qui, postérieurement, s’est avéré ayant un écho certain dans la publication de l’Antiterrorism, Crime and Security Act au Royaume-Unis.

 

Aujourd’hui, depuis à Paris, certains partis de l’extrême droite européenne ont proclamé la fermeture des frontières et le retour à la peine de mort. Marine Le Pen, présidente du Front national, a ouvertement plaidé pour un référendum qui permettrait de rétablir la peine de mort en France. Le Parti Indépendance du Royaume-Uni, proclame un contrôle accru des politiques d'immigration et de ceux qui veulent vivre dans le pays. Geert Wilders, du Parti de la liberté néerlandais, a déclaré que les Pays-Bas devraient fermer les frontières à l'immigration en provenance des pays musulmans. Toutes ces manifestations politiques ont été largement rapportées par les médias internationaux après l'attaque contre le journal Charlie Hebdo.

 

Le fait est que, dans la guerre anti-terroriste, les Etats, comme première option, essayent d’offrir des solutions belliqueuses qui se manifestent d’abord à travers des restrictions des droits fondamentaux. Dans la recherche de l’efficience dans la lutte contre le terrorisme, les limites éthico-juridiques sont rompues et les violations sont admises. Il s’agit de la promotion d’une politique législative utilitariste et d’urgence, qui reçoit souvent un appui dans l’imaginaire social, en particulier lorsque la collectivité est mue par la peur (et la crainte) de nouvelles attaques.

 

La question n’est pas simple, parce que ce genre de terreur fanatique, en plus d’être violent, est omniprésent. Cependant, les démocraties modernes ne sont pas consenties à vivre dans un état permanent d’urgence et l’exception.

 

Peut-être qu’il est temps de reconnaître que nous avons échoués, et que nous sommes incapables de traiter les folies du monde avec des lois pénales, parce que la laïcité de l’Etat ne s’entend pas avec le fondamentalisme religieux. Qui plus est, nous devons avoir la conscience que, dans la recherche des remèdes, vrai dans notre cas, nous ne devrons pas recourir aux solutions placebo, ni utiliser une dose que tue le patient.

 

La guerre contre le terrorisme, et en particulier l’adoption de textes législatifs dans les situations d'urgence, viennent rompre avec les principes fondamentaux de l’Etat de droit, pour prévenir à travers la «lutte contre le terrorisme », en produisant plus d’effets punitifs dans la dogmatique pénale, puisque ce qu’on appelle la « guerre contre le terrorisme » est chargée de supporter l’ancienne tension entre sécurité et liberté dans leurs limites les plus extrêmes. L'ampleur des actes terroristes qu’a connu ce siècle, ainsi que la crainte de la récidive se sont transformé en des arguments décisifs en faveur de l'adoption - souvent à tout prix - de nouvelles mesures de sécurité. Et cela au point qu’il semble parfois, qu’il n’y a aucune limite juridique possible quand de l'autre côté l'argument le plus fort est celui de l'efficience dans la lutte contre le terrorisme. Des notions et des principes du droit pénal jusqu’à récemment étaient incontestables, sont aujourd’hui relativisés ou tout simplement supprimés.

 

Le terrorisme devient une sorte d'argument magique, bien que cela, ne soit pas nouveau dans l'histoire du droit pénal. Mais, de toute évidence, de telles menaces exigent d'autres instruments de sécurité, et l'appareil répressif fonctionnera ainsi, à partir d'une sorte de puissance mondiale (un pouvoir global), avec la superposition d’un Etat de droit et d’un Etat d'exception, conduisant à une duplicité juridique[1]de grande envergure.

 

Ainsi, nous débouchons sur un terrorisme comme étant l’embryon d’une schizophrénie belliciste, au point de faire surgir des thèses d’intervention anticipée et/ou d’une guerre préventive dans la logique de l’urgence de la lutte contre le terrorisme international. Subséquemment, nous distinguons dans ces processus d’urgence, la menace terroriste considérée comme un Etat d’exception, mais qui finit indiscutablement par être utilisée pour justifier l’accroissement du pouvoir punitif, ce qui peut toujours être, dans une certaine mesure, incompatible avec un système de garanties dans un Etat de droit.[2]

 

 

 



[1] Pilar CALVEIRO, Violências de Estado: la guerra antiterrorista y la guerra contra el crimen como medios de control global, Buenos Aires., éd. Siglo Veintieuno Editores, 2012, p. 308.

[2] ZAFFARONI; FERRAJOLI; TORRES; BASILICO, La emergencia del medo, Buenos Aires., éd. Ediar, 2012, p. 8. Voir, surtout, le texte de FERRAJOLI, Populismo penale nella società dela paura, p. 37-55.

 

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